Par Felix-Antoine Pelletier

Après 4 mois passé au Maroc, je me permets d’affirmer que le couscous marocain est très représentatif de la culture marocaine.

Chez une collègue avec sa famille pendant le Eid, à Chefchaouen, au Maroc

Le couscous marocain est l’un des principaux mets culturels du Maroc. Selon la coutume, le couscous se mange le vendredi. Chaque semaine, la mère (ou la tante ou la grand-mère ou la femme de ménage) du foyer commence à préparer le couscous qui sera dégusté le soir. On peut en sentir l’odeur à la fenêtre de chaque foyer.

Chez une collègue avec sa famille pendant le Eid, à Chefchaouen, au Maroc

Le couscous se déguste collectivement. Il est préparé dans un grand bol – souvent en argile – qu’on place au centre de la table. Puis, tout le monde ensemble s’y met, soit avec ses mains ou avec une cuillère. Il n’y a pas vraiment de manières, on en échappe à gauche et à droite, il y a des morceaux de couscous sur la table, on se lèche parfois les doigts, nos mains se salissent. On mange ensemble et il n’y a pas de barrières. Il n’y a pas de manie. Rien n’est sophistiqué. C’est la simplicité. On savoure ensemble. Ce qu’on est heureux.

Au CNDH, alors que je coupe la première part de mon gâteau d’anniversaire

C’est représentatif de la culture marocaine dans le sens où profiter de la vie et de ses bontés est très propre à la culture marocaine. Également, les gens arrêtent complètement tout ce qu’ils font pour profiter de la nourriture. Le vendredi, les marocains reviennent à la maison parce qu’ils savent ce qui les attend sur la table. Ils valorisent véritablement la nourriture. C’est sacré.

Au CNDH pendant un évènement accueillant des représentants de diverses organisations africaines

Toutes les personnes à table mangent dans le même plat. Il y a donc d’importants « social skills » à s’assurer de maîtriser. Par exemple, il faut manger le couscous qui est devant soi. Il ne faut pas piger dans le couscous qui est de l’autre côté de l’assiette, c’est-à-dire devant une autre personne, c’est-à-dire la « partie » (conceptuellement) de quelqu’un d’autre. Ce serait un irritant et un comportement antisocial. Des frontières invisibles divisent et séparent les parts de chacun. Par ailleurs, il faut laisser des morceaux de viande à tout le monde. En somme, il faut « acknowledge » la présence des autres. Manger du couscous en groupe est un exercice qui requiert (et qui développe) plusieurs « social skills » hyper utiles en société.

À la maison, en train de partager un repas avec mes colocs, à Rabat, au Maroc

Les Marocains sont d’ailleurs très « forts » socialement pour lire et analyser les gens, comprendre s’ils sont à l’aise, s’ils sont confortables, s’ils sont honnêtes, etc.

C’est un grand plat. Ce n’est pas « chacun son petit plat » à l’occidental individualiste. Non ! C’est le partage, le collectif, la fraternité, la communauté. C’est le Maroc.

Chez un ami qui nous a accueillis pendant le ftour (moment de briser le jeûne), durant la période du ramadan

Je me rappelle d’une fois, au Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) du Maroc (où j’effectuais mon stage), quand l’un des membres de mon Département avait apporté un grand bol de couscous pour qu’on mange tous ensemble sur l’heure du midi. À la table, il y avait mes collègues, mes mentors et le Directeur de mon département. Le CNDH est habituellement relativement très hiérarchique. Il faut s’adresser à ses supérieurs d’une certaine manière – et c’est très correct ainsi.

Chez un ami qui nous a accueillis pendant le ftour (moment de briser le jeûne), durant la période du ramadan

En revanche, devant le grand bol, c’est comme si toutes ces barrières intangibles étaient tombées. La hiérarchie a disparu. C’est comme si chaque personne à la table s’était dénudée de son statut social, de son titre, de ses tracas et de ses obligations. Nous étions devenus que des êtres humains, des frères et des sœurs, revenus à la base et à l’essentiel. C’était la représentation de la simplicité. Pas de manies, rien de sophistiqué. Je mangeais avec mes mains à côté de mes supérieurs et nous avions des discussions très simples. On a laissé de côté le boulot et les responsabilités.

En compagnie de mes collègues du CNDH (Khalid, Fatima Zahra, Ghizlane et moi)

On savoure ensemble et on complimente le plat qui a pris du temps à être préparé. Le monde et le temps s’arrêtent. Il n’y a plus de barèmes, plus de normes, plus de travail, plus de hiérarchie. Il n’y a plus de grosses personnalités. On mange chacun dans le même plat, avec nos mains. On revient à la base, à la simplicité et à qui on est. On découvre ainsi les gens autrement, sous une autre facette de leur personnalité. On enlève les masques et les cravates. On se rend vulnérables, dans un certain sens, devant la beauté du plat, car on se dénude de toutes obligations de « bien paraître » ou d’aborder le plat avec des « manières ». Chaque personne revient à la base. C’est rafraîchissant.

Merci beaucoup de m’avoir lu. Bien à vous. Félix-Antoine Pelletier