Par Lauriane Palardy-Desrosiers
Il m’aura pris beaucoup plus de temps que prévu pour partager avec vous le dernier épisode de mon stage chez Equitas. Peut-être parce que les semaines qui ont suivi mon billet précédent ont été d’une intensité remarquable. Ou peut-être simplement parce que je ne trouvais pas les mots pour transmettre ce que j’ai vécu.
L’expérience PIFDH[1] est indescriptible. C’est une expérience qui fait grandir et qui bouleverse. Elle bouleverse en nous confrontant aux réalités insoutenables vécus par des humain-e-s du monde entier, mais surtout en nous rappelant notre responsabilité vis-à-vis du reste de l’humanité. Sont bouleversantes les rencontres faites au PIFDH tout comme le sont les histoires qui y sont racontées. Ce sont ces histoires et ces rencontres, ajoutées aux nombreuses (més)aventures, aux imprévus et aux obstacles, qui font tant grandir sur les plans intellectuel et humain.
Sur le plan intellectuel, le PIFDH m’a permis de consolider ma maîtrise du droit international des droits humains, de réfléchir collectivement aux principes et valeurs qui le sous-tendent, de questionner le bien-fondé et les limites des institutions de défense des droits humains en place et de perfectionner les arts de la répartie, du plaidoyer et de la traduction instantanée. J’ai également acquis des capacités plus techniques en apprenant à utiliser SharePoint et Salesforce pour travailler en équipe, SurveyMonkey pour conduire des évaluations et Moodle pour créer des communautés en ligne comme celle d’Equitas.
Sur le plan humain, le PIFDH est un mine d’or. Ce programme d’Equitas est une source inestimable d’apprentissages sur soi et sur la condition humaine. On en ressort habilité-e à résoudre des problèmes, à faire face à des situations délicates, à communiquer, à coopérer, à être patient-e, à lâcher prise quand il le faut, à être à l’écoute de notre communauté, et, plus que tout, à militer pour la justice sociale internationale à travers l’éducation. Cette immersion dans la culture des droits humains donne du pouvoir, le pouvoir de connaître plusieurs outils facilitant le changement social. L’un des outils les plus puissants mis de l’avant implicitement tout au long du PIFDH est l’humilité.
L’humilité est une vertu rare en Occident. L’humilité est « connaissance ou reconnaissance de ce qu’on n’est pas. […] L’humilité est vertu lucide […] de l’homme qui sait n’être pas Dieu. […] Être humble, c’est aimer la vérité plus que soi. » [2] Pour Kant, l’humilité est « la conscience et le sentiment de son peu de valeur morale en comparaison avec la loi. » [3] Paradoxalement, l’humilité, on ne nous l’apprend pas à l’école de droit. Au contraire, on nous y enseigne à se démarquer, à se mettre de l’avant et à vouloir sortir du peloton. À l’image de la société productiviste dans laquelle elle s’inscrit, la formation en droit met de l’avant l’excellence, l’efficacité et le dépassement de soi. Certain-e-s y sont même poussé-e-s à dépasser leur limite au détriment de leur santé mentale et, conséquemment, au détriment du bien-être de leur communauté. Or, au PIFDH, on apprend ensemble à admettre nos difficultés, à demander de l’aide, à travailler en équipe et à rire de nous-même. On apprend le pouvoir de l’humilité.
Le pouvoir de l’humilité réside dans sa capacité à faire ressortir le meilleur de chacun-e en nous permettant de collaborer et de s’émerveiller devant les forces de nos pairs.
Le pouvoir de l’humilité réside dans sa capacité à faire passer notre conscience sociale avant notre rayonnement professionnel.
Le pouvoir de l’humilité réside dans sa capacité à faire en sorte que nos actions soient guidées par nos idéaux plutôt que par notre égo.
Le pouvoir de l’humilité est ressorti très clairement de notre rencontre avec Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. Elle a expliqué avec humour comment vieillir lui permettait de rajeunir. « Plus je vieillis, plus je rajeunis », a-t-elle lancé. « La jeunesse, c’est le contraire de l’indifférence. Plus je vieillis, plus je m’émerveille et plus je m’indigne, donc plus je rajeunis ! », a-t-elle précisé. Mettant de l’avant son humanité et son émotivité, Michelle Bachelet est un exemple de femme de pouvoir à l’humilité hors du commun.
—
En ce début d’année scolaire, j’ai une poussée de gratitude à l’égard de ceux et celles qui m’ont permis de vivre le PIFDH. Ce programme est une expérience transformatrice. La richesse et la diversité des participant-e-s qui le constituent font du PIFDH une occasion unique au monde d’échanger des expériences personnelles et politiques, de construire une culture des droits humains puissante et de trouver des solutions aux injustices sociales. Si j’avais à recommencer, je dirais oui les yeux fermés!
[1] Programme international de formation aux droits humains
[2] André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, Seuil, 2001, p 211-212.
[3] Doctrine de la vertu, deuxième section, par 11.