Un texte de Justin Angélil-Danis
Rebonjour!
Me voici maintenant de retour à Montréal, après avoir passé quatre mois en Afrique du Sud. Je me réhabitue lentement à la vie « normale » d’étudiant canadien, mais ma tête est certainement restée un peu là-bas. C’est formidable de rentrer chez soi, mais une expérience comme celle que j’ai vécue, ça ne s’oublie pas.
Avec le recul que j’ai, je peux vous l’assurer : j’adore l’Afrique du Sud, et j’ai encore plus aimé y travailler. En parlant avec mes collègues de McGill qui sont allés travailler dans d’autres pays d’Afrique, j’ai réalisé la chance que j’ai eu de m’être fait octroyer un stage chez Lawyers for Human Rights. En effet, tout le long de mon stage j’ai travaillé fort, mais j’étais récompensé d’un véritable sentiment de participer activement à la création de quelque chose de plus grand que moi : je participais du mieux que je pouvais à la construction d’une tradition de protection des droits humains, chose malheureusement rare sur le continent.
L’Afrique du Sud est une adolescente. En termes de démocraties, trente ans cette année, ça ne fait pas beaucoup d’expérience! Cette métaphore explique sa naïveté et ses sauts d’humeur, pouvant être illustrés par la corruption et l’insécurité sporadique. Cependant, en tant qu’adolescent, le pays est animé par une énergie intarissable et le désir constant d’amélioration fait de la république un candidat parfait pour les organismes comme celui où j’ai travaillé. Tout allait très vite, j’ai vu changer la loi sur l’immigration deux fois durant mon stage! Le souque à la corde constant entre les réformistes et les réactionnaires, qui crée dans les pays occidentaux un quasi perpétuel statuquo, est déséquilibré en Afrique du Sud, parce que la vigueur d’adolescente de Mzansi entraine tout avec elle dans la voie du changement. J’ai alors été entrainé dans cette vague, aux côtés de mes collègues, cherchant à institutionnaliser la protection des droits humains en Afrique du Sud.
La jeunesse du pays et ses institutions démocratiques encore frêles ont pourtant des conséquences qui refroidissent l’enthousiasme de ses habitants. Là-bas, en écoutant un sondage radio dans un Uber, j’ai appris que l’écrasante majorité des habitants de Jozi classent la dangerosité et le crime comme le plus grand obstacle dans leurs vies. C’est vrai, la plus grande ville du pays est trop pleine de brigands et de truands. Certains quartiers sont à proscrire, même de jour; et marcher seul après le coucher de soleil est une activité frôlant la roulette russe.
Pourquoi est-ce ainsi? La réponse évidente serait les facteurs socio-économiques qui poussent la population grandement défavorisée à se tourner vers les milieux criminels, ajoutant au fait qu’un demi-siècle de règne violent d’une minorité blanche a laissé le gout du sang dans la bouche de bien des gens, et qu’une épidémie de violence endémique n’est que la suite logique de l’Apartheid. Pourtant, l’Afrique du Sud n’est pas une exception en ce sens : la quasi-totalité des pays du continent a vécu un siècle de colonisation et est maintenant aux prises avec une pauvreté parfois extrême. Ce qui différencie l’Afrique du Sud des autres pays subsahariens est en fait la liberté qui y règne.
En effet, la stabilité politique et le régime démocratique de l’Afrique du Sud font de la police un organe bien moins important au maintien au pouvoir du gouvernement que dans les autres pays d’Afrique. Le budget des forces policières de la République est donc proportionnellement bien moindre que dans ces pays. De plus, la corruption est endémique dans les forces de l’ordre, portant atteinte à leur efficacité.Tout cela fait que durant les quatre mois où j’étais en Afrique du Sud, jamais je n’ai senti que la police veillait à ma sécurité.
Cela m’a fait réfléchir : la route vers une vie libre de violence en encore longue pour les habitants d’Afrique du Sud. Bien que le terrorisme politique qui autrefois définissait le pays ait été quasi entièrement éradiqué, une autre forme de brutalité y sévit et la population locale en souffre. Un problème laisse la place à un autre, et ainsi va le cycle des droits humains. Si la chute du gouvernement autoritaire en 1994 a sorti la population du pays d’une oppression sans égal, ces mêmes gens restent hautement vulnérables.
En définitive, je sais qu’il est difficile de travailler à la défense des droits humains. Les histoires sont dures à entendre, les obstacles sont incessants et les changements sont lents et sporadiques, mais l’enthousiasme et la résilience des Sud-Africains ont fait de mon stage une expérience portée par l’espoir et la confiance en l’avenir. J’ai réellement apprécié mon stage dans ce fabuleux pays, et, depuis mon retour au Québec, je suis certain qu’un jour j’y retournerai et que tous ces efforts dont j’ai été témoin auront continué à porter fruit.
Justin Angélil-Danis