Avant de venir au Maroc pour mon stage au sein du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), je savais que le pays avait une riche histoire et une grande diversité culturelle. Mais je dois avouer que j’avais en tête une image assez partielle du territoire : un climat très chaud, des paysages arides, des villes aux teintes rougeâtres. En réalité, mon expérience de douze semaines m’a fait découvrir un Maroc bien plus varié que ce que j’imaginais, autant sur le plan naturel que culturel. Ce séjour m’a notamment frappé par la diversité de ses paysages, par l’importance de la nature en milieu urbain, et par les couleurs propres à chaque ville. En circulant entre les régions, j’ai été impressionné par la richesse du territoire, visuelle, mais aussi humaine, qui dépasse largement les clichés que l’on peut avoir de l’extérieur.

Le Maroc est bien plus que les tanneries de Fès, les plages d’Essaouira ou les dunes dorées de Merzouga : c’est aussi une mosaïque naturelle de couleurs. Le bleu de Chefchaouen, le rouge argile de Marrakech, le blanc sobre de Casablanca, la verdeur de Rabat… chaque ville semble porter une identité visuelle qui lui est propre, en lien avec son ambiance, son histoire et son environnement. Rabat m’a particulièrement marqué par sa verdure. On m’a raconté, avec une certaine fierté, que leur ville dépasse largement les standards internationaux en matière d’espaces verts (trois à quatre fois le standard international). Et c’est vrai : les grands boulevards bordés de palmiers, les parcs bien entretenus, la végétation omniprésente donnent à la capitale une atmosphère étonnamment sereine. À bien des égards, cette impression m’a rappelé Montréal, ma ville natale, avec ce même équilibre entre l’urbain et le végétal. Et parfois, dans l’architecture, les senteurs, les discussions en arabe ponctuées de mots français, ce sont des échos de Beyrouth, ville que j’ai visité à maintes reprises de par mes origines, qui remontaient à la surface. Le Maroc m’est vite apparu comme un carrefour, un lieu où se rencontrent et s’entrelacent les mondes arabe, africain et européen.

Cette diversité, je l’ai aussi ressentie dans les langues. Alors que les Marocains de Rabat et Casablanca mélangent souvent l’arabe, l’amazigh et le français, à Tétouan, c’est l’espagnol qui colore les conversations. Et puis il y a Ceuta, cette enclave espagnole si particulière, où l’on paie en euros, où le fuseau horaire est celui de Madrid, et où l’on a l’étrange sensation d’être dans une petite ville européenne avec ses églises à toutes les rues… tout en étant sur le sol africain. J’y ai été frappé par cette coexistence permanente des identités. Une impression similaire m’a saisi à Tanger, en visitant les tombeaux phéniciens surplombant la mer, témoins silencieux d’un passé méditerranéen lointain. Le Maroc est l’un de ces rares pays où les strates de l’histoire restent visibles dans la vie quotidienne.

Tombeaux phéniciens de Tanger

Mais c’est à Fès que cette richesse culturelle m’a le plus ému. Un jour, alors que je me promenais dans la médina avec ma famille en visite, nous avons fait la rencontre d’un homme marocain de confession juive qui nous a gentiment invité à visiter sa maison familiale. Il nous a raconté l’histoire de sa famille et les liens tissés entre les communautés au fil des siècles. Il parlait de Fès, comme d’une ville-mémoire digne de son titre de capitale impériale du Maroc, où les récits familiaux rejoignent ceux de tout un peuple. Il a aussi parlé de la pastilla, plat emblématique de la ville, un feuilleté sucré-salé farci de poulet ou de poissons aux origines andalouses, apporté par les réfugiés juifs et musulmans fuyant la Reconquista. J’ai heureusement eu la chance d’y gouter un peu partout au Maroc, et contrairement à ce que vous diront la plupart des marocains, celui au poulet est bien meilleur!

Au fil des semaines, en observant les paysages, en échangeant avec les gens, en goûtant aux plats et aux dialectes, j’ai compris que le Maroc ne se laisse pas résumer. C’est un pays qui se vit, qui s’explore, qui s’interprète au rythme des rencontres. Une terre d’hospitalité, de contrastes, et surtout, d’héritages entremêlés.