Par Linda El Halabi
Lorsque je travaillais au bureau d’Equitas avant que le PIFDH (Programme de Formation en Droits Humains) ne commence, on m’a demandé de lire des évaluations des participants du PIFDH 2012, et de faire une analyse qualitative des réponses. Equitas place une importance particulière sur les évaluations. Les commentaires de toutes les personnes qui travaillent avec Equitas, ainsi que ceux des bénéficiaires des programmes d’Equitas sont toujours dûment notés et servent à constamment améliorer la qualité des programmes et services rendus de l’organisation.
De cette façon, durant chaque PIFDH, les participants reçoivent des questionnaires leur demandant leurs impressions sur chaque module de travail. Ils reçoivent ensuite une évaluation finale le dernier jour du programme, puis une évaluation 6 mois après le PIFDH, ainsi que 24 mois plus tard. En ce qui me concerne, on m’a donné les évaluations envoyées aux participants après 6 mois du PIFDH 2012. L’analyse que je devais effectuer servirait à mesurer l’impact du PIFDH sur le travail des participants, et de mettre en valeur les résultats positifs du programme pour les bailleurs de fonds et les sponsors. Une des questions demandait aux participants quel était l’apprentissage ou l’habilité que le PIFDH leur a enseigné qu’ils ont trouvé le plus utile dans leur travail et qu’ils utilisent le plus souvent. De très nombreuses fois, les mots « approche participative » sont apparus devant moi. Ayant contribué à la traduction et à la révision du manuel du programme de 3 semaines qu’est le PIFDH, j’avais évidemment déjà vu cette notion d’approche participative, mais puisque le programme n’avait pas encore commencé, je ne comprenais pas vraiment ce que ce concept voulait dire. Mais dès le début du PIFDH, j’ai compris l’importance de l’approche participative et comment elle permet d’avoir une expérience beaucoup plus enrichissante.
L’approche participative consiste à faire en sorte que l’expérience, les perceptions et les contributions des participants soient au centre de leur apprentissage. Cette approche s’oppose à l’approche classique d’apprentissage qu’est l’approche des experts, où des conférenciers viennent pour donner des cours magistraux, et les participants doivent simplement écouter et prendre des notes. En utilisant l’approche participative, on fait en sorte que les participants aient un degré de contrôle sur le contenu du programme, pour assurer que les habiletés qu’ils ont le plus besoin de développer soient inclus. J’ai noté plusieurs avantages à cette approche.
D’abord, l’approche participative permet de faire en sorte que les sujets les plus actuels et qui ont un impact important sur le travail des participants soient couverts. Par exemple, cette année, il y avait de nombreux participants venant du Moyen Orient et quelques participants venant de la Syrie. Le programme, en tant que tel, n’avait pas prévu de session spécifique pour discuter de la situation de la Syrie. Mais de nombreux participants demandaient à leurs homologues syriens de parler de la situation de leur pays. En voyant l’intérêt des participants sur le sujet, les participants syriens ont organisé une session informelle avec l’aide d’Equitas et ont eux-mêmes préparé une courte présentation sur la situation du conflit, suivie par une période de questions-réponses et de discussions qui a permit à de nombreux participants d’en savoir plus sur le sujet, et d’explorer des moyens de créer des liens avec les organisations des participants syriens. Un autre exemple marquant est celui du sujet des personnes LGBTI. Malheureusement, même au sein de la communauté des défenseurs des droits humains, qui en principe devraient tous reconnaître et combattre la discrimination envers les personnes LGBTI, il reste toujours du travail à faire. Il y a plus d’une dizaine d’années, il aurait été difficile même d’avoir une discussion sur le sujet. Mais cette année, lors du PIFDH 2013, il y avait de nombreux défenseurs des droits des personnes LGBTI, et la présence de ces activistes a suscité une curiosité saine de la part de nombreux autres participants qui auparavant n’avaient pas de notions développées sur le sujet. C’est l’approche participative qui a permit aux défenseurs des droits des personnes LGBTI de parler de leur expérience et de leur travail dans les salles de classe, et de créer des groupes de discussion informels qui ont eu un impact sur les perceptions des autres participants. L’approche participative rend ainsi chaque PIFDH unique car elle reflète le changement et permet aux participants d’enrichir leurs connaissances plus que s’ils étaient simplement obligés d’écouter des conférenciers à longueur de journée.
Un autre avantage de l’approche participative est sa contribution à la création d’une culture des droits humains au sein d’une organisation. Le but du PIFDH est d’habiliter des défenseurs des droits humains de toutes les régions du monde à créer une culture des droits humains dans leurs communautés et au sein de leur organisation. L’approche participative est un excellent moyen pour réaliser ce but. L’utilisation de l’approche participative implique que chacun des membres d’une organisation est précieux et a son mot à dire. Si chacun participe à la manière dont l’organisation fonctionne, et que l’organisation prend en compte les commentaires et les expériences de ses membres, alors l’organisation respectera toujours les besoins de ses membres et contribuera toujours à les habiliter.
De même, lorsque les défenseurs des droits humains utilisent l’approche participative durant leurs interactions avec leurs communautés, ils contribuent aussi au changement social. Dans chaque communauté, il y a toujours des personnes marginalisées dont l’opinion et l’expérience ne sont pas toujours pris en compte par la majorité. Utiliser l’approche participative permet au défenseur des droits humains de donner une voix à ces personnes marginalisées en les incluant dans la discussion. Ainsi, l’approche participative est un moyen d’habiliter les personnes marginalisées à partager leur perspective, et elle est aussi un moyen pour faire en sorte que la majorité soit exposée au point de vue des personnes marginalisées.