2015 St-Jean FrederiquePar Frédérique St-Jean

Dans cette publication, je désire parler du projet incroyable sur lequel l’Association où je fais mon stage travaille : l’Académie politique des femmes. L’an dernier, ce projet a permis à 25 femmes impliquées dans des partis politiques et désirant se présenter aux prochaines élections municipales de bénéficier d’un programme de formation complet afin de les aider à développer leurs capacités et renforcer leur confiance en elle. L’Association espère ainsi qu’elles seront capables de réussir à mener une campagne électorale avec succès et à se faire élire au sein des conseils municipaux.

J’ai eu l’opportunité d’assister aux deux dernières formations du programme et d’y rencontrer les participantes. Avant de les rencontrer, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je ne connaissais que très peu la culture tunisienne, j’avais rencontré encore très peu de gens à l’extérieur de mes collègues de travail, et je dois l’avouer, j’avais des attentes assez peu élevées relativement aux capacités et connaissances des femmes impliquées en politique en Tunisie. De façon plus générale, je crois que j’avais des attentes assez peu élevées du débat politique en Tunisie considérant la relative jeunesse de leur démocratie.

J’ai ainsi eu droit à des belles surprises lorsque j’ai rencontré les participantes : des femmes brillantes, réfléchies, capables de s’exprimer avec clarté et surtout de façon convaincante sur des enjeux complexes. J’ai rencontré des femmes ayant une vision, une vision pour leur communauté et pour leur pays. Des femmes ayant des idées, un plan concret pour rendre la vie de leurs concitoyens plus faciles. Et surtout, des femmes ayant une détermination et un courage impressionnant. J’aimerais vous parler de certaines de ces femmes.

La première se nomme Ourida Touhami. Elle provient de la région éloignée de Tozeur et représente le parti Ennahdha, parti qui forme présentement la coalition au pouvoir et qui est considéré comme un parti conservateur sur le plan religieux. Ourida m’a immédiatement charmée par sa facilité d’approche. Dès mon arrivée, elle s’est montrée extrêmement chaleureuse et s’est mise à me jaser de l’Académie, de politique, et de bien d’autres sujets. Ourida est l’une de ses personnes qui défend ses opinions avec acharnement. Elle raconte qu’elles sont deux femmes sur 13 dans le comité local de son parti et qu’elle et sa collègue n’acceptent pas un refus pour réponse si elles considèrent que leur point de vue est justifié. Elle explique qu’elle réussi à bien faire passer ses idées dans un comité dominé par les hommes. Je n’en ai aucun doute, vu l’acharnement et la détermination dont elle fait preuve lorsqu’elle cherche à convaincre. Elle fera sans aucun doute une redoutable politicienne.

IMG_4851 Ourida Touhami, lors de la formation sur la Responsabilité sociale des collectivités locales

La seconde se nomme Jihen Maatoug. Jihen est juriste de formation et avocate d’affaires de profession. Elle provient de Tunis et fait parti du parti Afek Tounes,  parti socio-libéral séculier. Elle s’exprime avec aisance et accorde beaucoup d’attentions aux détails. Elle offre ainsi un discours raffiné et des idées élaborées pour résoudre les problèmes de sa communauté. Elle cherche à sa manière à briser les normes sociales, que ce soit en étant une porte-parole hors-pairs des droits des femmes ou en ajoutant une touche mode à son style d’avocate. Lorsque je l’ai rencontrée, elle avait en effet teint la pointe de ses cheveux en bleu, et m’a expliquée qu’elle voulait participer à sa manière à protester contre les normes sociales. Je tiens à souligner l’aide qu’elle m’a fourni pour mon travail de recherche sur les droits des femmes, prenant de son temps pour m’emmener à la bibliothèque de droit pour trouver de la documentation pour étoffer mes recherches.

IMG_4876 Jihen Maatoug et moi

Si je le pouvais, je mentionnerais les qualités de chacune des femmes que j’ai rencontrée, le beau sourire de Chadia Soli, la détermination de Leila Keskes, et la confiance en elle que dégage Souad Hamdi. Les femmes qui ont participé à l’Académie ont très certainement le potentiel requis pour devenir de très bonnes représentantes municipales. Avec de la confiance en elles et une bonne dose de courage, elles arriveront à vaincre les nombreuses barrières qui se présenteront sur leur chemin en tant que femme politique tunisienne. Certes, ce ne sera pas facile. Elles devront faire face à des partis politiques qui sont réticents à promouvoir des femmes à des postes de responsabilité, des cocus fermés qui préfèreront placer des hommes en tête de liste pour augmenter leurs chances de gagner des sièges et une population qui jugera parfois qu’elles devraient être à la maison entrain de faire à manger plutôt que mener une campagne électorale. Or, elles ont les outils pour y arriver et je crois en leur potentiel.

1908186_1071808529500092_3957079562933994582_nLeila Keskes, lors de l’Assemblée politique des femmes organisée à Tozeur

Je tiens à souligner la solidarité et la collaboration dont cette équipe de femmes a fait preuve. Les différences idéologiques entre certains partis politiques représentés par ces femmes sont marquées. Or, cela ne les a pas empêché de les surmonter pour travailler à l’atteinte d’un objectif commun : la promotion des droits de la femme. Ce type de solidarité féminine sera indispensable pour permettre aux tunisiennes de mener le combat pour l’égalité vers la réussite. Ce n’est que grâce au dialogue entre les différents groupes idéologiques et sociaux tunisiens – les séculiers et les islamistes, les riches et les pauvres, les gens vivant en ville et les gens vivant en régions – que les tunisiens arriveront à comprendre les caractéristiques qui les différencient et à les accepter. Ce n’est qu’à travers la collaboration que les femmes arriveront à créer un front commun pour vaincre les barrières qui freinent leur émancipation.