Par Marie-Denise Vane
Il y a moins d’un mois, le 25 mai dernier, George Floyd était tué par un agent de police lors d’une arrestation à Minneapolis, au Minnesota, États-Unis. Une semaine plus tard, un homme était victime de brutalité policière au cours d’une arrestation, à Cape Dorset, au Nunavut, Canada. Notre fil d’actualité des dernières semaines est rempli d’événements de ce genre : tragiques, frustrants et décevants, pour ne nommer que cela. Et bien que l’attention médiatique soit à son comble présentement, force est d’admettre que l’abus policier et le racisme — systémique — ne sont pas des problèmes nouveaux.
J’effectue présentement mon stage à la Commission des services juridiques du Nunavut (ou l’aide juridique pour les intimes). En réponse à l’incident de brutalité policière de Cape Dorset, mon avocate superviseure en droit criminel m’a demandé de créer un pamphlet informant la population de la procédure à suivre pour porter plainte contre un membre de la Gendarmerie royale du Canada, qui est le service policier desservant le Nunavut.
Le pamphlet a été partagé sur les réseaux sociaux. C’est bien peu, me diront certains. D’autres considèrent que chaque action compte. J’imagine que j’appartiens aux deux catégories. Je pense qu’il est légitime de se sentir frustré.e par le manque de progrès, ou lorsque progrès il y a, du fait qu’il ne mène pas à l’émancipation totale et à l’égalité réelle recherchées. Par contre, je pense aussi qu’il faut se forcer à agir et que tout débute par un effort de conscientisation, puisque l’excuse des mains liées ou celle de l’ignorance n’en sont alors plus une. Dans tous les cas, il n’est pas nécessaire d’être sur place ni de vivre la chose personnellement pour ressentir cette frustration et pour agir. C’est ce que la crise de la Covid-19 m’a particulièrement appris.
J’étais extrêmement déçue, et c’est le moins que l’on puisse dire, de ne pas pouvoir vivre mon stage « en entier ». J’avais tellement hâte de partir vivre à Iqaluit, « up North ». Même si l’expérience est incomplète et donc assurément différente, je suis néanmoins heureuse d’avoir la possibilité de la vivre. Je travaille depuis près d’un mois dans le domaine du droit criminel et du droit de la famille. J’explore à distance les défis que représente la pratique juridique auprès des personnes défavorisées du Nunavut. Je ressens de la frustration à l’idée que 2052 km m’empêchent de surmonter moi-même ces défis. Je suis chaque jour conscientisée à de nouveaux enjeux. Derrière mon MacBook Air et ma recherche juridique, je tente de sortir de ma zone de confort. J’apprends. Je forge ma personnalité de future professionnelle du droit. Puisque la distance n’est pas un obstacle au travail, à l’effort, au changement et au progrès, la Covid-19 ne m’aura finalement pas volé cette opportunité. J’espère sincèrement me réveiller un jour et avoir eu tort, mais pour l’instant je suis convaincue que le travail est partout et qu’il ne s’arrêtera jamais.
P.S. : Bien désolée de ne pas avoir de photos à vous partager, ni d’anecdotes touchantes à raconter… la distance complique la chose. Toutefois, je peux vous affirmer sans hésiter que les avocates qui me supervisent sont des femmes passionnées et sincères. Pouvoir les rencontrer en personne n’aurait été qu’un plaisir encore plus grand que celui d’avoir la chance de travailler virtuellement à leurs côtés.